Théorie

 

SOMMAIRE

Qu’est-ce qu’apprendre ?

Qu’est-ce que lire et écrire ?

La dyslexie-dysorthographie

1. Définitions et types de dyslexie
2. Troubles associés et degrés d’atteinte
3. Signes d’appel et difficultés secondaires

Les aménagements pédagogiques

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Qu’est-ce qu’apprendre ?
Apprendre fait partie intégrante de l’expérience humaine et pourtant la question « qu’est-ce qu’apprendre ?» s’avère complexe car les processus d’apprentissage font intervenir de multiples facteurs : pédagogiques, cognitifs, psychiques et sociaux.

Apprendre


Les modèles théoriques issus des recherches en neuropsychologie distinguent schématiquement trois niveaux de fonctions cognitives. Ces niveaux, dans une situation donnée, donnent la possibilité de percevoir, de reconnaître, de traiter l’information et de programmer et exécuter un geste moteur en réponse.

  • Les fonctions de « bas niveau » permettent de reconnaître les informations qui nous parviennent par l’intermédiaire des organes sensoriels (fonctions sensorignosiques). Elles interviennent également pour programmer l’organisation motrice des réponses (fonctions practomotrices). Reconnaître et répondre mettent donc en jeu la vision, l’audition et la motricité.
  • Les fonctions de « haut niveau » permettent d’organiser et d’optimiser les traitements intellectuels. Un dysfonctionnement de ce niveau-là peut entraîner un ou plusieurs troubles des apprentissages. Ces fonctions peuvent être classées en :
    fonctions attentionnelles
    fonctions mnésiques
    fonctions langagières
    fonctions exécutives : ensemble d’opérations mentales ayant pour fonction de faciliter l’adaptation du sujet à des situations nouvelles (Roy et al., 2005). Elles nous permettent de contrôler et réguler nos pensées, nos émotions et nos actions et interviennent lors de la réalisation d’activités non routinières et la résolution de problèmes complexes. Leurs principales composantes sont la planification, la flexibilité mentale, l’inhibition, le maintien de l’attention. Elles intègrent différents sous-systèmes dont l’attention et la mémoire de travail.
  • Les fonctions de catégorisation, de raisonnement, d’abstraction, de logique, de vitesse de traitement, renvoient à l’intelligence générale (ou « facteur G ») qui ne représente pas à elle seule l’intelligence humaine mais qui se trouve extrêmement sollicitée en situation d’apprentissage. La mesure de l’intelligence générale permet de repérer la déficience intellectuelle et le haut potentiel.
    Les compétences innées d’un enfant constituent des « outils » pour appréhender le monde mais leur développement dépend tout autant de la qualité de ces « outils » que de la qualité des échanges qui ont lieu avec son environnement physique,  affectif et social. Ainsi, les fonctions cognitives sont en constant remaniement sous l’influence des interactions avec l’environnement et les apprentissages au sens large.
    Gérées par des structures cérébrales qui possèdent entre elles de nombreuses connexions, ces fonctions interagissent donc entre elles et peuvent être sollicitées de façon quasi-simultanée, selon les tâches demandées.

Fonctions cognitives mises en jeu lors de l’apprentissage

Les progrès scientifiques ont pu mettre en évidence des aires cérébrales dévolues à un traitement spécifique. Cependant, en situation d’apprentissage, ces aires collaborent et fonctionnent en réseaux pour s’adapter et s’ajuster à la multiplicité des tâches demandées. Le schéma suivant donne une représentation des lobes cérébraux et un aperçu des domaines qui en dépendent.

Principales aires cérébrales


En cours d’apprentissage, les tâches scolaires s’avèrent difficiles car elles réclament des efforts et du temps jusqu’au moment où elles sont automatisées. Une tâche est dite automatisée lorsqu’elle ne nécessite plus ou peu de contrôle conscient pour être réalisée convenablement. Lorsque le cerveau est occupé à gérer une tâche non automatisée, cela sollicite les ressources attentionnelles qui ne peuvent être allouées à d’autres tâches cognitives : on parle de situation de double tâche. Un enfant qui, par exemple, peine à déchiffrer a du mal à comprendre et à réfléchir en même temps. Les enfants ayant des troubles d’apprentissage se retrouvent souvent en situation de double tâche car si lire, écrire, compter ou s’exprimer s’avèrent difficiles à automatiser, ils ne peuvent être vraiment disponibles pour le raisonnement, la planification, la recherche de sens…

Sur le plan psychique, l’enfant doit être capable de mobiliser et de faire évoluer son rapport au savoir. Si les premiers apprentissages se font au sein de la cellule familiale, apprendre à l’école nécessite que l’enfant puisse prendre des distances et gagner en autonomie.

En conséquence, il s’avère important que les adultes qui l’entourent (ses parents, ses enseignants) soient dans une relation de reconnaissance du rôle de chacun pour que l’enfant puisse occuper sa place dans une relation triangulaire.

« Apprendre à apprendre, c’est viser sa propre transformation d’individu en apprenant en fonction des contextes. Apprendre à apprendre, c’est donc se préparer à être autonome. »
H. Portine (1998)

Enfin, apprendre ne peut se concevoir sans le désir d’apprendre et demande de la persévérance. Apprendre, c’est aussi prendre des risques, interagir, changer…
Apprendre peut donc être considéré comme un véritable travail de construction ou de reconstruction d’une partie plus ou moins vaste de notre système cognitif. (Perrenoud P., 2003)

Qu’est-ce que lire et écrire ?
1. Lecture et enseignement
Même s’ils arrivent à l’école avec des connaissances sur le monde et sur la langue, les enfants apprennent à lire et à écrire essentiellement sous l’effet d’un enseignement explicite.
A l’école, ils vont apprendre à identifier certaines unités ainsi que les règles à appliquer dans le traitement de celles-ci mais aussi s’exercer à des pratiques d’activités régulières qui leur permettront d’accéder à des automatismes efficaces. Pour cela, des choix pédagogiques sont faits de façon à aborder la langue écrite sous ses différents aspects : identification et production des mots écrits, compréhension de phrases et de textes, production de textes, familiarisation avec la culture écrite …

Roland Goigoux1 définit ainsi la lecture : « la lecture est une construction de significations : elle est le résultat d’une interaction entre les données propres au texte et les connaissances du lecteur (connaissances linguistiques et connaissances conceptuelles) en fonction des buts qu’il poursuit à travers cette lecture. Les connaissances du lecteur conduisent celui-ci à développer un horizon d’attente vis à vis du texte, selon le contexte de lecture.
L’activité de lecture aboutit à un retour personnel sur le contrat de lecture initial et à un travail interprétatif, autrement dit, au sens large, à l’élaboration d’un jugement. »

1 Roland Goigoux est professeur des universités, spécialiste de l’apprentissage de la lecture.

Enseignement du langage écrit (selon R. Goigoux)

2. Les habiletés mobilisées lors de la lecture
En situation de lecture, l’enfant coordonne plusieurs traitements cognitifs en même temps. Ceci explique que les processus d’apprentissage de la lecture nécessitent du temps.
Chacune des différentes sous-tâches doit être suffisamment automatisée pour que la lecture devienne fluide avec un accès facilité au sens. Quelles sont les habiletés qui interviennent au moment de la lecture ?

  • Des habiletés visuelles et neuro-visuelles dont :
    • l’acuité visuelle
    • le contrôle oculo-moteur (balayage, poursuite oculaire…)
    • l’attention visuelle, variable selon les individus, qui permet de saisir plus ou moins de signes, de les discriminer plus ou moins correctement et/ou facilement
    • la fonction gnosique visuelle : reconnaissance des lettres, des groupes de lettres.
  • Des habiletés mnésiques, dont en particulier :
    • la mémoire à court terme qui correspond à un système à capacité limitée permettant le maintien d’une petite quantité d’informations pendant une durée très brève. On peut distinguer la mémoire à court terme verbale et la mémoire à court terme visuelle. La mémoire à court terme est le support de la mémoire de travail.
    • la mémoire de travail qui est une mémoire à court terme à caractère dynamique permettant de retenir les informations sur un temps court tout en effectuant, en parallèle, une activité cognitive comme le raisonnement, la compréhension, la résolution de problèmes…. La mémoire de travail a des capacités de stockage limitées et se développe constamment. Elle est indispensable lors de l’apprentissage et de la lecture tant pour le décodage des mots que pour la compréhension de phrases et de textes. Le décodage étant séquentiel, l’enfant maintient en mémoire les phonèmes décodés, les syllabes avant de les assembler pour pouvoir lire un mot. Il doit également conserver en mémoire les mots lus au fur et à mesure de la phrase et les phrases au fur et à mesure d’un texte tout en créant des liens entre les mots qu’il déchiffre et leur sens.
    • la mémoire à long terme qui permet, elle, la conservation durable des informations grâce à un codage et à un stockage organisé selon une trame multimodale : sémantique, spatiale, temporelle, affective… Elle est donc fortement impliquée dans l’ensemble des processus d’apprentissage. Pour qu’une information soit stockée en mémoire à long terme, il est nécessaire d’effectuer des rappels réguliers et espacés. Contrairement à la mémoire à court terme, elle est considérée comme illimitée.
  • Des habiletés méta-linguistiques qui permettent de porter un certain regard sur la langue et sur son fonctionnement. Elles englobent la conscience phonologique mais aussi des connaissances syntaxiques, sémantiques, lexicales. Tout ceci
    demande de faire appel aux fonctions de catégorisation, de raisonnement, d’abstraction et de logique.
  • Des habiletés practomotrices : dans le cas d’une lecture à haute voix, l’enfant doit pouvoir articuler les sons et ceux-ci doivent correspondre à ceux qu’il a programmés.
    Ainsi, l’acte de lire s’avère complexe et fait intervenir les différents niveaux de fonctions cognitives. Les habiletés citées ci-dessus constituent, dans une certaine mesure, un préalable à l’apprentissage de la lecture mais c’est la confrontation de l’enfant à la tâche de lecture qui va lui permettre de les développer et le rendre progressivement plus performant.
    Ainsi, la lecture contribue à développer elle-même les habiletés qu’elle sollicite. Cette relation d’influence a été mise en évidence dans différents domaines : par exemple, les capacités de mémoire à court terme et la richesse lexicale dépendent du niveau de lecture.

3. Le modèle à deux voies
Le modèle de lecture à deux voies est un modèle théorique basé sur le modèle de la lecture d’un adulte. Il s’agit d’un modèle de référence utilisé pour expliquer les traitements cognitifs en jeu lors de l’identification de mots. Ce modèle postule l’existence de deux voies qui interviennent lors de la lecture et de l’écriture : la voie lexicale (ou d’adressage ou directe) et la voie phonologique (ou d’assemblage ou indirecte).

La voie lexicale permet la lecture de mots familiers et de mots connus réguliers et irréguliers. La séquence de lettres est connue, reconnue lorsque le mot est rencontré fréquemment au cours des lectures ; le lecteur ne procède donc pas par lecture analytique mais c’est l’ensemble des unités qui composent le mot qui est traité. La représentation orthographique du mot est activée au sein du lexique orthographique donnant ainsi accès à la forme sonore du mot et à son sens.

La voie phonologique permet la lecture de mots nouveaux et de non-mots réguliers en appliquant les règles de conversion graphème-phonème, de fusion et d’enchainement syllabique. Il s’agit donc d’un traitement analytique séquentiel qui mobilise grandement la mémoire de travail. Au moment où le lecteur « s’entend » dire le mot, il peut avoir accès à la signification qui lui est associée.

Ces deux voies de lecture sont nécessaires pour être un bon lecteur et on les conçoit relativement autonomes chez l’adulte ; cependant, chez l’enfant, lors de l’apprentissage, la voie phonologique tient une place prépondérante puisque la plupart des mots rencontrés sont des mots nouveaux. Quand il commence à apprendre à lire, l’enfant utilise la procédure par médiation phonologique hormis pour les mots qu’il pourrait connaître par cœur. Il se constitue peu à peu un lexique orthographique. Les traitements effectués par la voie phonologique enrichissent les connaissances lexicales : un mot lu à plusieurs reprises sera mémorisé et donc plus vite reconnu. Les deux procédures, la procédure analytique et la procédure lexicale se
développent donc en parallèle.

Le modèle à deux voies est un modèle qui donne un aperçu des traitements cognitifs lors de l’identification des mots mais il n’aborde pas l’ensemble des mécanismes mis en jeu lors de la lecture de phrases ou de textes. Le mot est reconnu aussi dans un contexte (exemple : « les hommes du président président »)

Modèle des deux voies de lecture

4. Mais lire, c’est aussi…
Lire ne peut se limiter à la seule idée d’un mécanisme utile pour comprendre. Pour l’enfant qui découvre la lecture, il s’agira aussi de grandir, de devenir autonome, de se séparer de son univers familial pour en découvrir un plus large mais aussi d’accepter des règles, de tenter de comprendre seul et d’oser ainsi faire un pas dans le monde des adultes…

Sur le plan psychique, l’apprentissage du langage écrit ne peut être dissocié de la vie affective et sur le plan social, lire offre un accès direct au monde.

Maîtriser la lecture participe donc à l’épanouissement de la personne. La lecture, inspirante, source de plaisir et propre à chacun, stimule l’imagination et exerce la pensée critique ; en faisant découvrir d’autres points de vue, elle est à même d’augmenter l’empathie et d’aider à comprendre les autres. Parfois cadeau, parfois refuge, la lecture peut consoler, faire découvrir, protéger… L’acte de lire, culturel, favorise les liens dans l’espace et dans le temps (génération, classe sociale, peuples…). Enfin, le langage écrit permet l’accès au langage élaboré et donc aux nombreuses subtilités contenues dans la langue ; en cela, il
contribue à développer la conceptualisation et les apprentissages, et ouvre à des domaines aussi divers que ceux de la littérature, des sciences, des techniques…

Qu’est-ce que lire ?

5. Écrit et enseignement
Si, dans nos propos, nous avons dissocié lire et écrire, il va sans dire qu’il existe une étroite relation entre ces activités qui constituent les deux facettes du langage écrit. Aussi, leur apprentissage simultané va de soi (voir la  schématisation de R. Goigoux) : la lecture et l’écriture exploitent des habiletés qui sont, dans une large mesure, communes et ces activités se renforcent mutuellement.

La production d’écrits est un des quatre domaines abordés dans l’enseignement du langage écrit, en parallèle avec l’identification des mots, la compréhension des textes et l’acculturation. Trois dimensions s’y trouvent attachées : linguistique, culturelle, métacognitive.

L’enseignant propose des tâches variées pour que les élèves acquièrent peu à peu les divers aspects que recouvre la production écrite. En effet, écrire s’avère complexe car cela nécessite de gérer, à la fois, l’habileté du geste, le respect de la ponctuation et de la mise en page, mais aussi le choix des mots, l’ordre, le développement et la pertinence des idées, tout en respectant les contraintes syntaxiques et orthographiques ainsi que celles en lien avec le genre ou la destination du texte.

Écrire, c’est pour l’élève
2:

  • Être capable de copier de manière experte : pour cela, des activités pour acquérir les stratégies de copie (prise d’indices, mémorisation de mots), de mise en page de textes justifiant certaines exigences (poème, leçon…), de maniement de
    traitement de texte et d’entrainement aux gestes d’écriture sont proposées.
  • Produire des écrits en commençant à s’approprier une démarche : les activités de dictée qui mobilisent les acquis de correspondance oral/écrit, de recherche et d’organisation des idées et de pratique du brouillon ou d’écrits intermédiaires poursuivent ce but.
  • Réviser et améliorer l’écrit que l’on a produit : apprendre à exercer sa vigilance orthographique, utiliser des outils aidant à la correction et comparer des écrits tendent à atteindre ce but.

    2 Cf. Programmes de 2015 – BO n° 6 du 26 novembre 2015

6. Les habiletés mobilisées dans l’acte d’écrire
Comme pour lire, écrire fait intervenir plusieurs traitements cognitifs en même temps.
Même s’ils apparaissent en grande partie communs à ceux présentés pour la lecture, il nous est apparu important de les citer de façon à mieux cerner leur intervention et à faire apparaître leurs spécificités.
Écrire, terme polysémique, désigne aussi bien le geste graphique, que la transcription du langage oral ou la production d’un texte (du simple message à l’œuvre littéraire) et les habiletés mobilisées s’avèrent plus ou moins sollicitées selon la situation d’écrit (copie, dictée, productions diverses d’écrit…). Dans l’acte d’écrire, plus encore que dans la procédure  de lecture, le contrôle s’effectue sur l’ensemble des paramètres entrant en jeu, ce qui rend la tâche complexe.
Il est possible de représenter ainsi les habiletés pouvant intervenir dans l’acte d’écrire.

Habiletés mobilisées dans l’acte d’écrire

Plus précisément, lors de la dictée d’une phrase par exemple, les habiletés sollicitées sont :

  • l’habileté sensorignosique auditive : perception des sons et reconnaissance des sons comme appartenant à la langue.
  • l’attention auditive : attention portée aux traits discriminants des phonèmes à transcrire.
  • les habiletés méta-phonologiques : identification des sons, agencement de ceux-ci dans la chaîne parlée.
  • les habiletés mnésiques : rappel des correspondances graphème/phonème et référence au lexique orthographique interne pour attribuer la bonne graphie au son à transcrire (o/au/eau, par exemple).
  • les habiletés méta-sémantiques et méta-syntaxiques : référence à la connaissance de la langue et lien avec le code écrit. L’orthographe est en partie induite par le sens des mots (« seau/sot » ou « l’avis/ la vie », mais aussi « il la voit/ il l’a vue »).
  • les habiletés praxiques et neuro-visuelles : maîtrise du geste et attention pour que la trace corresponde à la programmation.
  • les fonctions exécutives interviennent tout au long de ce traitement qui ne peut se réaliser sans un maintien de l’attention, un contrôle des différentes activités cognitives, l’inhibition des erreurs…
Comment peut-on expliquer qu’écrire s’avère parfois plus difficile que lire ?
La nature de la tâche est différente : reconnaissance pour la lecture, rappel pour l’orthographe. Il est ainsi souvent possible de lire un mot correctement en prenant des indices partiels alors que, pour orthographier correctement, l’intégralité des lettres constituant le mot doit être restituée. Ceci explique que le niveau en lecture soit, le plus souvent, supérieur à celui en orthographe et que le contraire se rencontre rarement.
  • Les caractéristiques du système d’écriture influent énormément : dans un système alphabétique idéal, la correspondance entre sons et lettres serait simple : à chaque phonème correspondrait un graphème et réciproquement. Or dans les langues, les correspondances entre les unités orales et les unités écrites sont plus ou moins régulières. Ainsi, certaines langues, comme le français et l’anglais, sont dites plus opaques que d’autres (l’italien et l’espagnol) car à un même phonème sont souvent reliés plusieurs graphèmes (pour le français, 36 phonèmes mais plus de 130 graphèmes!). Un mot a ainsi potentiellement plusieurs orthographes possibles au sein du système orthographique : on parle de polygraphie. A cela, s’ajoutent les marques morphosyntaxiques dont la plupart ne sont pas perceptibles à l’oreille.
  • Lire se rapporte à la parole et donc à l’éphémère. Écrire laisse une trace durable et donc implique. « Les paroles s’envolent, les écrits restent ».

7. Mais écrire, c’est aussi…
Parler consiste à s’adresser à quelqu’un présent physiquement, écrire sous-entend l’absence de l’autre tout en ayant intériorisé sa présence. C’est en s’éloignant du figuratif que l’enfant va pouvoir introduire dans ses tracés la dimension symbolique du langage. Selon Marie-Alice Dupasquier, pour entrer dans l’écrit, l’enfant assemble ce qu’il a assimilé à la fois de son rapport à l’autre, de son rapport à soi, à son identité et à son image, de son rapport à la loi à travers les règles qu’impose la transcription écrite.

Apprendre à écrire est un processus social profondément ancré dans le contexte culturel. L’écrit permet à la Société de se constituer : il contrôle les rapports sociaux, la place de chaque individu dans le social. Ainsi, l’Homme est entré dans l’Histoire avec l’écriture.
C’est grâce à son nom et à l’inscription de celui-ci sur les registres de l’état civil, que l’enfant commence sa propre histoire individuelle et c’est en apposant sa « signature » qu’il rentrera à part entière dans le corpus social.

Enfin, écrire correspond à une mise en forme de la pensée et les productions écrites englobent aussi une dimension toute personnelle d’expression et de créativité.

La dyslexie-dysorthographie
1. Définitions et types de dyslexie
La dyslexie se définit comme un trouble spécifique, durable et persistant de l’acquisition du langage écrit non imputable exclusivement à un âge mental bas, à des troubles de l’acuité visuelle ou à une scolarisation inadéquate. La dysorthographie, trouble spécifique de l’orthographe, accompagne le plus souvent la dyslexie. Les dysfonctionnements cognitifs à la base de ces deux troubles s’avèrent probablement communs et persistent tout au long de la scolarité de l’enfant et au cours de sa vie d’adulte. Schématiquement, deux types de dyslexies peuvent être distingués :

  • La dyslexie lexicale ou de surface se caractérise par une atteinte de la voie lexicale ou d’adressage, avec utilisation préférentielle de la voie phonologique. La lecture est lente, fragmentée et les erreurs concernent presque exclusivement les mots irréguliers.
  • La dyslexie phonologique correspond à l’atteinte de la voie phonologique ou d’assemblage. Le trouble apparait très nettement à la lecture de logatomes ou de non-mots (tels que « modaglir » ou « caranelle ») avec des erreurs de type confusions, inversions, ajouts et/ou omissions. L’utilisation préférentielle de la voie lexicale ou d’adressage peut permettre une lecture relativement rapide, avec de nombreuses erreurs d’omission et de substitution.

Principales formes de dyslexie

En réalité, il existe très souvent une concomitance de ces deux atteintes : on parle alors de dyslexie mixte. L’enfant, puis l’adulte, ne peut pallier ses difficultés par l’utilisation d’une voie de lecture préservée ce qui aboutit à un cumul d’erreurs et à une lenteur systématique.


2. Troubles associés et degrés d’atteinte
Un enfant dyslexique et/ou dysorthographique présente un  dysfonctionnement d’une ou de plusieurs fonctions cognitives sous-jacentes. Aussi, peuvent coexister :
  •  d’autres troubles des fonctions cognitiveso troubles praxiques (dyspraxie) :
    – troubles de la mémoire (dysmnésies)
    troubles des fonctions attentionnelles (TDA avec ou sans hyperactivité)
    troubles spécifiques du langage oral (dysphasie)
    troubles des fonctions exécutives
  • d’autres troubles des apprentissages :
    troubles spécifiques d’acquisition du calcul et des notions logicomathématiques (dyscalculie)
    troubles du graphisme (dysgraphie)

Le degré de sévérité de la dyslexie-dysorthographie diffère d’un sujet à l’autre.
L’impact du trouble sur les apprentissages dépendra de ce degré et de l’existence ou non de troubles associés mais aussi des aménagements apportés en classe, de la valorisation de l’enfant par son entourage scolaire et familial, de la mise en place de stratégies personnelles, des prises en charges effectuées (orthophonie, orthoptie, ergothérapie, psychomotricienne…).

3. Signes d’appel et difficultés secondaires
Même s’il est difficile de réaliser un diagnostic avant 18 mois d’apprentissage (notion de durée), des signes peuvent alerter plus précocement. La mise en place de mesures pour venir en aide à l’enfant permettra d’éviter que les difficultés ne retentissent sur l’ensemble des apprentissages.

Il est important de faire la différence entre un trouble structurel et un retard simple d’acquisition du langage écrit. De manière générale, dans le cas d’une dyslexiedysorthographie, l’acquisition du code écrit ne semble pas seulement décalée dans le temps,
mais se fait de manière déviante, dysfonctionnelle (notion de spécificité). De plus, les difficultés persistent malgré les aides apportées (notion de persistance). Les performances souvent hétérogènes et irrégulières amènent parfois l’entourage à affirmer : « Quand il veut, il peut ».

Les signes d’alerte peuvent être des confusions, des inversions, omissions ou ajouts de sons ou de lettres, des difficultés de compréhension à la lecture, une difficulté particulière à la copie, une lenteur à la lecture ou à la dictée, un niveau faible en orthographe, mais aucun de ces signes ne s’avère vraiment spécifique à lui seul. Par ailleurs, certains enfants compensent parfois leurs difficultés et font illusion. En cas de doute, il est nécessaire de vérifier la vue et l’audition et/ou de conseiller un bilan spécialisé (orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, neuropsychologue…).

R. GUILLOUX3, à partir des travaux de D. CALIN, décrit bien les difficultés secondaires qui résultent des réactions et contre-réactions de l’enfant et de son entourage,  dans une sorte d’allers-retours permanents. Elles peuvent aller de l’hyper-dépendance à l’adulte à l’impassibilité apparente, en passant par la contestation permanente ou la recherche de gratifications dans d’autres domaines (l’enfant qui fait le pitre ou le caïd). Le plus souvent néfastes, elles empêchent l’enfant de centrer ses efforts sur l’aspect cognitif de la démarche d’apprentissage.

Il s’avère donc primordial d’effectuer une prise en charge précoce des difficultés, avant même qu’un diagnostic soit posé. Ce diagnostic, qui reconnaît l’existence du trouble comme étant spécifique et durable, appelle des réponses spécifiques et modulables.
3 Roselyne Guilloux, psychologue scolaire a écrit « L’effet domino « dys » » et Daniel Calin est professeur de psychopédagogie et agrégé de philosophie.

Les aménagements pédagogiques

Les aménagements en classe constituent une réponse aux difficultés particulières que l’enfant diagnostiqué dyslexique et/ou dysorthographique va rencontrer à l’entrée dans le langage écrit, mais aussi au cours de l’ensemble de ses apprentissages. La circulaire du 29 janvier 2015 précise que « les élèves dont les difficultés scolaires résultent d’un trouble des apprentissages peuvent bénéficier d’un plan d’accompagnement personnalisé ». Le PAP présente une liste non exhaustive d’adaptations et d’aménagements pédagogiques.
Cependant, il apparaît important de réfléchir aux aménagements dès le repérage de difficultés d’apprentissage du langage écrit. Aussi, des aménagements peuvent-ils être proposés aux enfants pour lesquels une suspicion de troubles existe et avant même qu’un diagnostic soit posé.

Les aides ou les contournements proposés visent à faciliter l’accès de l’enfant aux contenus des savoirs apportés en classe. En mettant en place ces adaptations, l’enseignant permet de limiter l’enchaînement des difficultés. Il soulage l’enfant d’un point de vue cognitif en lui permettant d’accéder aux traitements de plus haut niveau (les fonctions correspondant à ces traitements sont détaillées dans le chapitre « Qu’est-ce qu’apprendre ?»). L’enseignant contribue ainsi à conserver le désir d’apprendre chez l’enfant et préserve l’estime et la confiance en soi, piliers importants de tout
apprentissage.

Aménager nécessite non seulement d’avoir des notions de ce qu’est un trouble du langage écrit mais aussi d’avoir conscience de son caractère durable, spécifique et fluctuant. Cela implique également d’avoir réalisé au préalable une analyse du profil de l’élève, de ses difficultés et comportements, mais aussi de son environnement, de ses intérêts et domaines de réussite qui vont constituer un socle sur lequel s’appuyer. Une prise en compte du contexte scolaire et extra-scolaire (matériel, configuration de la classe et autres élèves, famille…) s’avère nécessaire pour que les aménagements envisagés puissent se concrétiser. Le dialogue avec la famille et l’enfant apparaît important car leur adhésion au projet constitue un préalable indispensable. Enfin, les aménagements pédagogiques demandent une vraie implication de l’enseignant, dans la prise en compte de la différence de cet enfant et la volonté de l’aider particulièrement.

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Proposer des aménagements pédagogiques, c’est donc mettre en place des facilitations ou des contournements qu’il convient de penser pour répondre aux besoins et aux spécificités de l’élève.
L’outil intitulé ABCDysEnseignant tente de favoriser un cheminement pour adapter au mieux la pédagogie en fonction des observations et des données recueillies. L’enseignant trouvera, en
préambule de cet outil, les généralités qu’il convient de garder à l’esprit dès lors que l’on souhaite effectuer ce travail pour un enfant présentant des troubles du langage écrit.